vendredi 29 août 2014

Hercule l'invincible (Alvaro Mancori et Lewis Mann, 1964)



Hercule (Dan Vadis) sauve la jeune Telca (Spela Rozin) de l'attaque d'un lion. Le père de celle-ci lui promet sa main si Hercule est capable de vaincre un dragon. Il y parvient mais lorsque Hercule retourne au village, il découvre que tous les habitants sont devenus captifs d'une tribu rivale, les Démulus. Aidé par un rescapé, Babar (John Simmons), Hercule tente de les libérer.

Commençons par préciser qu'un visionnage de la version anglaise de s'imposait certainement pas : renommée pour l'occasion Son of Hercules In The Land of Darkness (alors que le héros s'appelle toujours Hercule et n'est donc pas son fils), celle-ci bénéficie d'une sorte de remontage " série télé " qui inclue une sorte de générique de fort mauvais gout nous annonçant les péripéties à venir ainsi qu'une chanson pop qu'on qualifiera avec indulgence d'ignominie. En VF, Hercule devient Ursus (sans doute pour compenser le fait qu'Ursus était devenu chez nous La Fureur d'Hercule) mais n'a bien qu'un seul titre, Hercule l'invincible. Je n'essaye même plus de comprendre.

Dès le premier combat durant lequel Hercule affronte le Lion de Némée du cirque du coin, nous sommes fixés : le lion joue bien mieux que Dan Vadis. L'homme-grizzli au costume très seyant joue également mieux que Dan Vadis, tout comme les chevaux, les éléphants, les nuages et les brins d'herbe. Même les pires moments de Mickey Hargitay, Kirk Morris et Richard Harrison réunis n'atteignent pas la nullité d'un héros au regard aussi vivace qu'une vache regardant passer un train, et rien n'illustre mieux la déchéance du péplum italien que le constat suivant : en cinq ans seulement, l'on est passé de Steeve Reeves à Dan Vadis. Ca calme.


Heureusement, Hercule n'affronte pas que des lions. Il combat un " dragon " (en fait, un tyrannosaure) qui est décidément bien agressif envers les héros mythologiques puisqu'il s'agit de celui de Jason et les argonautes. Ce joyeux moment de stock-shot est pratiquement la meilleure scène du film, qui est certainement le pire péplum italien que l'on a pu visionner jusqu'ici, dépassant même les exécrables Les Amours d'Hercule ou Hercule se déchaîne. Hercule est affublé d'un sidekick nommé Babar, dont on ne dira pas qu'il ruine la tension (quelle tension ?) mais simplement qu'il donne des envies de meurtre. Il permet des gags dignes des pires Louis de Funès (les gardes qui lui courent après autour d'un rocher, puis tournent en rond pendant cinq minutes alors qu'il s'est caché dessous) en roulant des yeux.

Autrement, les personnages présentés sont d'une originalité incroyable : une jeune donzelle qu'Hercule vient libérer, une méchante reine qui se fera tuer par une encore plus méchante reine jalouse de la beauté de la première demoiselle, un gentil roi et des sbires qui font n'importe quoi. C'est un patchwork de tous les épisodes précédents (on pense à Hercule contre les vampires ou Hercule contre Moloch) mais ou les restrictions budgétaires, qui apparaissaient ici et là lors de ceux-ci, deviennent pour le coup criantes : les décors se résument à un désert, une grosse et un escalier ; les figurants sont parfois jusqu'à dix et les efforts concernant l'aspect visuel ne sont clairement plus d'actualité.



Que dire d'autre ? Que Dan Vadis a des méthodes de combat révolutionnaires, notamment se mettre en boule lorsque les soldats le chargent de tous les côtés (les honorables combattants préfèrent ne pas utiliser leurs armes, sans doute préparent-ils quelque ancestrale version d'une mêlée rugbystique) ou attraper un soldat par les pieds et le faire tourner tout autour de lui. La scène avec les éléphants provoquerait l'indulgence si on ne l'avait pas déjà vue en mieux dans La Vengeance d'Hercule et on ne comprend toujours pas pourquoi il fut nécessaire d'avoir deux réalisateurs pour aboutir à un résultat pareil.
Un énorme navet.

jeudi 28 août 2014

Passeport pour Pimlico (Henry Cornelius, 1949)


Le quartier londonien de Pimlico subit, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un rationnement drastique. Ses habitants découvrent, après l'explosion d'une bombe, une grotte dans laquelle est enfoui le trésor du duché de Bourgogne ainsi qu'un parchemin dans lequel il est démontré que Pimlico lui appartient. Rapidement, la population de Pimlico se revendique bourguignonne et fait sécession de l'Angleterre.

Passeport pour Pimlico est typique des comédies produites par les studios Ealing : un point de départ absurde (l'héritier de Noblesse Oblige qui doit assassiner toute sa famille, l'invention du tissu inusable dans l'Homme au complet blanc) traité sérieusement jusqu'au moment où la situation devient totalement chaotique. Cornelius signe ici son premier film après avoir co-écrit le magnifique Il pleut toujours le dimanche de Robert Hamer et sans égaler la force du triptyque Hamer-Mackendrick-Cavalcanti, il signe ici une comédie réjouissante au scénario particulièrement réussi.

Le paradoxe le plus amusant réside dans le fait que les personnages ne semblent jamais aussi anglais que lorsqu'ils prennent la nationalité bourguignonne, d'abord par jeu et pour se débarrasser de l'austérité de l'après-guerre, puis lors d'un véritable bras de fer contre les autorités britanniques. On les verra adopter la gastronomie française (visiblement peu convaincus) ou tenter une sortie militaire en hommage aux combattants bourguignons du XVème siècle ! Les habitants de Pimlico emportent la sympathie de par leur débrouillardise, leur insoumission et leur courage (ainsi le policier présenté comme un fonctionnaire zélé finira par couper les barbelés, le banquier par trouver la solution optimale pour résoudre les conflits ou encore les enfants entraîner la solidarité des Nations Unies qui finissent par envoyer à manger lorsque les désormais bourguignons se retrouvent affamés) et Cornelius parvient à faire vivre sa petite communauté, et à nous placer de leur côté en dépit de leur entêtement souvent grotesque.



Il serait hasardeux de visionner Passeport pour Pimlico en espérant y trouver des situations hilarantes, ou un comique aussi constant que celui des Monty Python ou des meilleurs films de Blake Edwards. En réalité, l'arrière-plan social n'est jamais très loin chez Ealing et l'évocation de la rudesse de la vie anglaise de l'époque (rationnement, couvre-feu, marché noir) n'est pas sans rappeler le regard désabusé d'Il pleut toujours le dimanche. Toutes les thématiques autour de l'indépendance sont abordées, avec notamment la politique protectionniste mis en place par Pimlico ou les tentatives de blocus des britanniques qui n'hésitent pas à assoiffer les habitants. Les images de barbelés sont d'autant plus gênantes lorsque l'on repense au mur de Berlin, ce qui donne au film de Cornelius un aspect prophétique puisqu'il n'était pas encore élevé en 1949. Mais l'équilibre n'est jamais rompu entre la satire social et le burlesque, entre le comique et le politique, les discussions parlementaires et les cochons en parachute.



Une qualité très appréciable également réside dans le rythme du film, qui semble aller à toute allure et n'a de cesse de passer d'une situation ridicule à une autre encore plus risible. Tout s'enchaîne très vite et Passeport pour Pimlico ne dure finalement que 80 petites minutes, là ou la plupart des cinéastes contemporains auraient probablement traité la même histoire en plus de deux heures.

D'avantage un film de scénario que de mise en scène, ce Passeport pour Pimlico ? Certainement. Sans couler son film loin s'en faut, Cornelius ne semble ici n'être qu'un artisan tout à fait compétent mais dénué de génie. Mais parfois, un script génial n'a pas besoin de Stanley Kubrick pour aboutir à un excellent film et la sobriété presque académique de Cornelius a le mérite de ne jamais perdre de vue son histoire. D'ou une des comédies Ealing les moins connues dans nos contrées qui mériterait pourtant, faute d'égaler Noblesse oblige ou l'Homme au complet blanc, d'être admise parmi les belles réussites du studio.

mercredi 27 août 2014

Priez les morts, tuez les vivants (Giuseppe Vari, 1971)



John Webb (Paolo Casella) se fait engager comme guide par les sbires du redoutable Hogan (Klaus Kinski). Il semble être le seul à pouvoir mener la bande au Mexique, bande qui s'est approprié un important butin. Hogan s'arrête dans une auberge mais fait face à la suspicion de certains de ses hommes, qui ne voient pas non plus d'un bon œil l'arrivée de Webb. 

Énième preuve du fait que bien des œuvres sans intérêt se cachent parmi les films favoris de Quentin Tarantino, Priez les morts, tuez les vivants ne mérite certainement pas d'accompagner Le Grand Silence, Django ou Colorado à l'intérieur d'une liste de fleurons du genre. Même parmi des productions souvent fauchées, celle de Vari se distingue par l'extrême pauvreté de ses décors, par le je-m'en-foutisme de la mise en scène et par l'incohérence du montage signé du réalisateur lui-même. Il y a deux parties distinctes, la première est un huit-clos dans une auberge ou le héros, le personnel de l'auberge, quelques voyageurs pris en otages et une demi-douzaine de truands se font face ; la seconde voit, après la disparition d'une bonne partie de la distribution, les survivants traverser le désert.



Les avis exprimés ici et là fluctuent et il y a sensiblement autant de personnes préférant la première partie que la seconde. On tranchera en les déclarant aussi mauvaises l'une que l'autre : le huit-clos est victime d'une écriture en-dessous de tout tandis que le malheureux désert, sublimé par Budd Boetticher ou Monte Hellman, se révèle plat et morne sous la caméra de Giuseppe Vari. Celui-ci n'a de cesse de saborder ses propres enjeux d'une manière outrageusement stupide. Ainsi, on verra deux bandits se disputer, se battre à coups de poings car " il ne faudrait pas avertir les soldats qui stationnent dix mètres plus loin " (jusqu'ici tout va bien), puis finalement s’entretuer à grands coups de revolver sans que les soldats ne réagissent ! On assiste même à la disparition de l'histoire d'un personnage sans la moindre explication (la brutalité de certaines transitions laisse pratiquement imaginer qu'il manque des scènes) et on admirera l'extrême intelligence du méchant qui lorsque le héros lui annonce qu'il y a un traître au sein de sa bande décide simplement d'éliminer toute sa bande (mais pas le héros bien sur).




Si le film comporte une bonne dizaine de personnages, il n'y en a que deux qui retiennent un tant soit peu l'attention. Paolo Casella est un héros droit, courageux et insipide qui n'a même pas pour lui ce côté joyeusement anarchique qui font aimer un Franco Nero ou un Giuliano Gemma. Il semble presque étranger à l'histoire, laissant Hogan faire ce qu'il veut sans manifester un tant soit peu d'inquiétude ou de gêne. Klaus Kinski, sans doute sous l'emprise de substances dont nous nous garderons bien de faire l'apologie, cabotine dans tous les sens, crie, tire dans le tas, laisse des femmes mourir étouffées dans le sable en leur laissant le souvenir d'un rictus hilare. Difficile de juger si la prestation de l'acteur est réellement convaincante tant il semble avoir été laissé à lui même mais son joyeux pétage de plombs retient bien plus l'attention que les mornes péripéties dont le réalisateur nous gratifie ; il faut bien dire qu'un Kinski " expressif " fait souvent basculer les films dans lesquels il apparaît vers une autre dimension.

En résumé, Priez les morts, tuez les vivants peut être vu comme un hybride bâtard entre deux parties peinant déjà à fonctionner par elles-mêmes, et ou l'abondance de clichés visuels (cadrages faits en dépit du bon sens, zooms brutaux) ne parvient jamais à masquer l'idiotie de l'histoire, le caractère excessivement stéréotypé des personnages et l'incohérence de leurs interactions. Pour une fois, on laissera de côté ce western de série dénué d'idées comme de rythme.
Vigoureusement déconseillé, sauf si vous êtes comme l'auteur de ces lignes un fan absolu de Klaus Kinski auquel cas le surjeu démesuré de l'acteur devrait parvenir à vous combler. Un peu.

mardi 26 août 2014

Le Requin harponne Scotland Yard (Alfred Vohrer, 1962)



L'assassinat d'un homme sur la Tamise est attribué au célèbre Requin, un criminel se servant d'un harpon pour terroriser Londres. L'inspecteur Wade (Joachim Fuchsberger) enquête et sa traque le mène à un passionné d'aviron excentrique (Eddi Arent), à un marchand russe mystérieux (Klaus Kinski) ainsi qu'à une jeune fille un peu trop convoitée (Brigitte Grothum).

Une immense déception. Certes, les krimis étaient très loin de nous avoir convaincu jusqu'ici mais on mettait leur mollesse et leur apathie sur le compte de la mise en scène académique d'Harald Reinl. Son collègue et rival Alfred Vohrer, réputé plus inventif, s'en sort à peine mieux. Quelques plans de miroirs amusants et quelques jeux de reflets plutôt bien trouvés seront les seule audaces visuelle du film, les seules bouées de sauvetage jetées dans l'océan de l'ennui.

Même un mauvais film comme Le Mystère du château de Blackmoor avait pour lui une atmosphère à la lisière du fantastique, avec son château éponyme et ses marais. Ici il n'y a guère d'étrangeté et resserré sur son intrigue policière, le krimi perd l'un des rares aspects capables de lui donner un minimum de charme d'époque. Qui plus est, l'intrigue est aussi mal écrite que d'habitude, réussissant à être à la fois prévisible (le meurtrier qui est comme d'habitude la seule personne qui parait ne rien avoir à faire ici) et confuse (on ne comprend jamais qui fait quoi, pourquoi, dans quel but). On navigue donc entre enfants échangés, tueur au harpon, rameur comique, trafiquant russe, médecin légiste ambigu, capitaine de navire libidineux et sympathique policier, le tout semblant sortir d'un mixeur ou rien n'est imbriqué dans le reste avec un minimum de cohérence. A cet égard, le personnage du rameur joué par Eddi Arent est symptomatique : il n'est là que pour produire un comique plutôt laborieux et n'apporte strictement rien à une histoire déjà suffisamment tortueuse sans lui.



L'inévitable Joachim Fuchsberger est toujours aussi limité tandis que Brigitte Grothum est jolie mais guère convaincante. Eddi Arent est plus charismatique mais pâtit d'un humour qui fonctionne moins que celui qu'il amenait dans La grenouille attaque Scotland Yard. En revanche, Klaus Kinski prouve une énième fois sa capacité à vampiriser une scène à chacune de ses apparitions. A peine entre t-il dans le cadre qu'il parvient à instaurer un climat angoissant, et on regrette qu'il ait si souvent joué les seconds couteaux au sein des krimis alors qu'il était autrement plus fascinant que les têtes d'affiche. Pour le reste, l'avalanche de personnages et de sous-intrigues permet de meubler avec une certaine efficacité les 90 minutes même si les apparitions du Requin semblent un peu trop sporadiques. Les scènes d'attaques aquatiques sont plutôt bien réalisées et laissent planer un léger espoir sur la capacité qu'aurait Vohrer à faire un vrai bon krimi pour peu qu'il parvienne à laisser libre cours à son imaginaire, qui parait malgré tout plus intéressant que celui de Reinl. En l'état, la médiocrité du scénario et de la distribution ne permettaient de toute manière guère d'espoir, ce qui est d'autant plus frustrant que Le Requin harponne Scotland Yard est fréquemment cité parmi les meilleurs krimis.



Ce n'est pas tant, comme certains critiques l'ont dédaigneusement affirmé, que le krimi soit un genre plus idiot qu'un autre. Le script de Six femmes pour l'assassin de Mario Bava ou de certaines œuvres de Dario Argento n'est guère plus impressionnant que ceux des films adaptés d'Edgar Wallace. Son handicap, c'est que l'esprit du krimi, fortement imprégné du serial américain comme de l'influence de Louis Feuillade, nécessiterait une légèreté, une fantaisie qu'on peine à débusquer au sein de la proverbiale rigueur teutonne, tout comme les westerns allemands produits durant les années 60 feraient pale figure comparativement aux tentatives italiennes.

lundi 25 août 2014

Miami Vice : Deux flics à Miami (Michael Mann, 2006)



Miami Vice fut, après un Collatéral globalement très bien reçu, le film de la rupture pour certains fans de Mann. Formellement, il s'agit d'une sorte de prolongation de l'usage de la HD pratiqué lors de son film précédent mais au sein d'une narration plus audacieuse, moins conventionnelle. Collatéral montrait des personnages dont les rapports n'avaient de cesse d'évoluer là ou Miam Vice prend deux heures à raconter une " simple " infiltration sans que, à l'exception du couple Colin Farrell/Gong Li, il n'y ait de véritable changement psychologique. D'ou une sorte d'abstraction à montrer, derrière un canevas de polar, des figures floues dans lesquelles on ne parvient que rarement à se projeter. Parfois, cet aspect se révèle véritablement fascinant : c'est lorsque la complicité entre le tandem vedette est exprimée sans artifice scénaristique, naturellement, comme si elle coulait de soi (et même lorsqu'il fait mine de les opposer, Mann désamorce tout de suite ce faux enjeu) ; c'est lors d'une scène d'action finale virtuose qui est digne de la fusillade centrale de Heat ou de la séquence coréenne de Collatéral. Mais souvent, cette volonté d'en dire le moins possible conduit à l'ennui et si l'on excepte la dernière demi-heure tournée vers l'action, Miami Vice est largement trop long. deux heures qui ne sont pas dénuées de moments inutiles (Foxx et sa compagne, les relations avec le FBI) font qu'on a parfois l'impression de voir une version policière de Ali, ou le refus de caractériser des personnages de manière stéréotypée conduit à des coquilles vides qu'on regarde avancer d'un œil distant.



L'autre défaut majeur réside dans le caractère très inégal de la distribution. Farrell (surtout) et Foxx sont totalement incapables d'habiter leurs rôles comme d'exprimer un minimum de nuances. Leur impassibilité freine l'empathie et faute de se sentir totalement à leurs côtés, on en vient parfois à tiquer sur des ficelles scénaristiques un peu difficiles à avaler (Farrell qui drague Gong Li devant tous les malfrats, Foxx qui présente sa copine à tout le monde sans raison). Heureusement, les méchants relèvent le niveau : John Ortiz en trafiquant jaloux est très bon, Luis Tozar en ponte de la mafia excellent. Mais c'est surtout Gong Li qui trouve l'un de ses plus beaux rôles et compose un magnifique portrait de femme en quête d'évasion, faisant des scènes plus intimistes entre Farrell et elle les plus beaux moments du film. A eux trois, ils parviennent à compenser tant bien que mal la pauvreté du jeu du tandem-vedette, qui est également mis à mal par le fait que l'histoire se focalise la plupart du temps sur Farrell, appauvrissant encore un peu plus le personnage de Foxx qui semble parfois n'être qu'un banal faire-valoir.



En ce qui concerne la mise en scène, Miami Vice est une petite merveille. Le travail sur le son est incroyable (le bruit des balles donne l'impression d'être en plein milieu de l'action, le suicide " silencieux " de l'informateur est glaçant), la photographie superbe et il est assez agréable de voir que certains aspects un peu datés de la série télé ont été laissé de côté : pratiquement pas d'humour, moins de frime, moins de décontraction. Le faux happy-end est très bien trouvé et si la première heure aurait certainement gagnée à être réduite en durée, la réussite des dernières séquences atténue le sentiment de déception. Aussi virtuose formellement que raté concernant la caractérisation de ses héros, Miami Vice montrait un cinéaste brillant dans une impasse artistique qui risquait d'aboutir à un appauvrissement thématique. Le contrepoint apporté par Public Enemies, plus " classique " et moins expérimental mais aussi plus incarné, allait le réconcilier avec les plus violents détracteurs de Miami Vice tout en lui aliénant certains de ses inconditionnels... Difficile pour un cinéaste de satisfaire tout le monde, et un film aux parti-pris aussi tranchés que Miami Vice peut facilement conduire à une radicalisation (qu'elle soit positive ou négative) du discours critique, avec un cinéphile attardé coincé entre spectateurs parlant de nullité totale et ceux criant au chef d'oeuvre.

vendredi 22 août 2014

Lady Yakuza 3 : Le jeu des fleurs (Tai Kato, 1969)



Oryu (Junko Fuji) reçoit l'hospitalité du clan Nishinomaru mais découvre qu'une tricheuse a usurpé son identité. Elle défend également ses hôtes en conflit avec le clan Kimbara, aidée par le retour de son vieil ami Kumatora (Tomisaburo Wakayama) et par un vagabond sympathique, Hanaoka (Ken Takakura). Celui-ci étant évidemment lié au clan Kimbara...

Pour l'instant, il s'agit du meilleur Lady Yakuza qui surpasse même d'une courte tête les meilleurs Brutal tales of chivalry. Le responsable de cet état de fait n'est pas le scénario : si Noribumi Suzuki, également réalisateur du précédent opus, est un scénariste doué et doté d'une belle capacité à multiplier les personnages sans faire perdre de vue l'intrigue principale, son travail ici ne fait qu'égaler celui qu'il avait accompli pour les deux premiers volets. La direction d'acteurs n'est pas non plus en cause : si Junko Fuki et Ken Takakura demeurent impeccables, les ninkyos sont quasiment toujours convaincants concernant cet aspect. Il faut toutefois noter que le personnage de Kumatora est enfin supportable et que l'humour pénible qu'il apportait dans les films de Yamashita et Suzuki a été considérablement réduit ; de même, le scénario lui permet d'être un peu plus actif et évite mieux le côté figuratif de ses apparitions passées. On note également l'étonnant retour de Fujimatsu, l'homme de Kumatora qui comme lors du premier épisode se battra aux côtés d'Oryu, il est toutefois dommage qu'il fasse pratiquement de la figuration et que le scénariste hésite probablement encore à lui donner plus d'importance.



Non, le grand progrès réside dans le choix du metteur en scène Tai Kato qui se révèle le plus esthète, le plus dynamique et le plus efficace des réalisateurs qui se sont succédé jusqu'ici. Ses compositions de plans sont souvent remarquablement agencées et utilisent avec virtuosité le décor pour séparer métaphoriquement des personnages incapables de se rejoindre, rappelant de façon plus imparfaite la science du cadre d'un Kobayashi ou d'un Kudo. D'autant plus que Kato est tout aussi rigoureux lorsqu'il s'agit de filmer Oryu et ses amis pénétrant chez les méchants en caméra portée ; Junko Fuji a d'ailleurs rarement paru aussi crédible une arme à la main, la mise en scène mettant intelligemment son agilité en valeur. Il est quelque peu dommage que le combat de fin soit l'un des plus courts vus dans un ninkyo tant on aurait aimé en voir plus ; qu'il s'agisse de la manière qu'a Kato de magnifier son héroïne en ne montrant pas les coups portés ou lors des scènes plus calmes de filmer depuis le sol, le cinéaste prouve ici qu'un script de série B peut aboutir a quelque chose de mémorable dans les mains d'un cinéaste talentueux, qui a d'autant plus de mérite que sa virtuosité est bien plus discrète que les audaces délirantes d'un Suzuki ou la frénésie d'un Fukasaku.


Certes, les clichés et les bons sentiments sont toujours là. La joueuse sauvée par Oryu - qui fait quelque peu doublon avec celle de Lady Yakuza 2 - viendra se sacrifier pour expier ses fautes, le yakuza ayant abandonné sa fille en fera de même et de nouveau les méchants se distinguent par leur accoutrement ridiculement occidentalisé, encore une fois opposé au kimono des traditionalistes vertueux et aimants. Oryu n'a pas l’outrance de Baby Cart, la force de Sasori ou la variété d'intrigues de Zatoichi ; elle est une héroïne intéressante mais moralisatrice, elle a d'ailleurs besoin d'être systématiquement épaulée par un personnage masculin pour accomplir son devoir. L'idéal pour les prochains épisodes aurait consisté dans le fait de conserver Tai Kato à la mise en scène et de remplacer Noribumi Suzuki au scénario, moins à cause d'un manque de talent que de répétitions un peu gênantes qui finissent par apparaître dans son travail. Mais l'histoire en voulut autrement et au contraire, Lady Yakuza 4 verrait le scénariste rester en place tandis que la mise en scène serait pour le coup confiée au médiocre Shigehiro Ozawa avant que les producteurs ne rappellent Tai Kato pour les épisodes 6 et 7.

jeudi 21 août 2014

Dans la chambre de Vanda (Pedro Costa, 2000)



Pedro Costa retourne dans le quartier de Fontainhas dans lequel fut tourné son film Ossos. Il capte le quotidien de l'actrice de Ossos, Vanda Duarte, de sa famille et des gens du voisinage. On y découvre une vie où la misère et la drogue cohabitent.

Dans la chambre de Vanda dure près de trois heures, durée qui le handicape et le sauve en même temps. Elle le freine car il serait mensonger de prétendre que les longueurs qui venaient à bout du plus patient des spectateurs dans La Maison de lave et Ossos ont disparu ; elle le tire vers le haut car elle vient à bout à la fois de notre incompréhension (dans la mesure ou Costa n'intervient jamais directement, il est longtemps difficile de comprendre les interactions entre les gens filmés, ce n'est qu'au bout d'un certain temps qu'elles deviennent plus limpides) et de notre incapacité à entrer dans leur univers. Vanda, Zita, Nhurro et les autres nous sont d'abord présentés comme des gens envers lesquels on ne peut guère s'identifier, mais la capacité de Costa à nous faire aimer les résidents et l'empathie de son regard font qu'on ne les quitte qu'à regret une fois familiarisé avec eux. Il est difficile de savoir quelle fut la part d'intervention du cinéaste dans la mise en scène des situations, mais la construction en longues séquences filmées en plan fixe ne laisse probablement qu'une part très réduite à la fiction. Si Vanda, sa famille et ses amis ont forcément conscience de la présence de la caméra chez eux, jamais il ne semblent modifier leur comportement en conséquence et l'impression de réalité demeure, quelle qu'ait pu être la place de Costa dans le processus.



Encore une fois, on peut être gêné par un certain misérabilisme qui venait plomber Ossos, mais Costa parvient parfois à compenser par quelque chose que l'on n'attendait guère : de l'humour. C'est Vanda qui, à court de feu, teste l'un après l'autre tous les briquets qu'elle a vidé dans l'espoir d'allumer son joint ; c'est Nhurro qui fait son ménage sans même poser ses seringues, c'est le voleur qui faute d'avoir trouvé de l'argent s'estime heureux d'être reparti avec deux yaourts, tout en priant pour qu'ils soient à la fraise. Ce climat d'absurdité, renforcé par le bruit incessant des pelleteuses venant détruire les maisons délabrées (dans lesquelles Nhurro a élu domicile) crée une fascination pour des moments qui sur le papier sembleraient dignes des pires émissions de télévision racoleuses : ainsi Vanda, après avoir pris de la cocaïne, vomit dans ses draps avant de se reprendre et de se mettre à chanter comme si de rien n'était. Même la mort horrible d'une amie proche est racontée avec une forme de détachement, comme si tout n'était qu'une mauvaise rêve dont chacun attendait la fin.



Dans la chambre de Vanda doit également beaucoup à son personnage principal, la Vanda éponyme. Droguée et bavarde, elle se révèle d'une patience et d'une humanité surprenante, accueillant un ami sans domicile, conseillant un autre sur la manière optimale de se piquer, rendant visite à sa sœur en prison. La séquence entre Pedro et Vanda ou celle-ci fait preuve d'une étonnante prévenance, à la limite du maternalisme, achève de faire d'elle une véritable figure salvatrice qui veillerait sur le monde perdu de Fontainhas. Si le bruit, la faim et le manque avilissent souvent les protagonistes, leur calme et la dignité avec laquelle Costa les filme fait parfois d'eux des martyrs des temps modernes, discutant entre eux de leur destinée (Vanda convaincue qu'ils sont là parce qu'ils ont tout fait pour, Nhurro totalement déterministe) entre deux séquences de shoot.

Il est difficile d'avoir un opinion tranché sur Dans la chambre de Vanda, " documentaire " éprouvant qui voit Costa sortir de l'impasse artistique dans laquelle ses deux précédentes tentatives l'avaient conduit. En l'état, il s'agit d'une oeuvre forte et dérangeante, qui faute d'être toujours du meilleur gout montre un cinéaste enfin en adéquation avec son sujet, son austérité habituelle se révélant ici beaucoup moins problématique dans la mesure ou comme souvent, le réel fournit à lui seul des moments bien plus étonnants que ceux des fictions.

mercredi 13 août 2014

Du rififi chez les truands (Kinji Fukasaku, 1961)



Un mystérieux commanditaire (Tetsuro Tamba) fait chanter un espion coréen et deux soldats américains, l'un corrompu, l'autre ayant commis un meurtre. Son but est de former une association de malfaiteurs en vue d'un cambriolage. Mais très vite, les tensions se créent dans le groupe, accentuées par les compagnes des voleurs et par la haine raciale entre les différents protagonistes.

Premier film d'un des cinéastes japonais les plus importants des années 70, on ne peut guère voir dans cette entrée en matière les prémices de la grandeur à venir. Il serait exagéré de nier toute qualité à une oeuvre qui contient déjà la rage, l'anticonformisme et la violence qui rendront Fukasaku célèbre, mais le fait de frôler la parodie ou le pastiche diminue énormément l'impact de l'histoire ; on pense d'ailleurs parfois au premier roman de Manchette, Laissez bronzer les cadavres, également saturé d'outrances et d'ironie et dont le dandysme finissait par irriter. Il en va de même dans ce Fukasaku ou le schématisme et le cynisme conduisent à un malheureux détachement. Plus tard, le metteur en scène apprendra à filmer des hommes vils au sein d'un système encore plus détestable tout en conservant une part d'empathie pour ses anti-héros, mais pour l'instant le ton rigolard ne provoque qu'une mise à distance du spectateur.



Au départ, l'idée de confronter le cerveau japonais de la bande, un espion coréen et deux américains s'avère plutôt séduisante, d'autant plus que l'alliance entre les occidentaux est cassée par le racisme du blanc envers le noir. De plus, Fukasaku ne tombe pas dans la facilité en chargeant tout autant le japonais que ses confrères (il est même encore plus méprisable car si la méchanceté de ses comparses est quelque peu atténuée par leur bêtise, son intelligence renforce au contraire notre antipathie envers lui), et au final le seul gangster qui n’apparaît pas comme totalement détestable est probablement le GI noir. Toutefois, on ne peut pas dire que sa satire a la main légère ; ses personnages n'ont de cesse de se trahir les uns les autres, de faire preuve d'une lâcheté qui n'a d'égale que leur cupidité et les couples ne sont rien de plus que des duos de personnes voyant leur intérêt à s'associer... jusqu'à ce qu'une autre alliance plus profitable ne se profile à l'horizon. Certains personnages sont outrageusement caricaturaux (le coréen, le GI blanc et sa femme), aspect qui est renforcé par le jeu catastrophique des acteurs américains. Tetsuro Tamba lui-même est loin de ses grands rôles mais la plus grande déception est certainement à chercher du côté de la mise en scène. Certes, on ne saurait reprocher à un cinéaste d'avoir fait ses gammes à l'aide d'un certain classicisme (le beaucoup plus réussi Hommes, porcs et loups sorti peu de temps après sera également loin des débordements visuels propres à ses films de yakuzas) mais ici la platitude domine l'ensemble et Fukasaku ne parait même pas capable de soutenir la comparaison avec les polars français de seconde zone signés Grangier ou Verneuil.



Une autre faiblesse réside dans un certain remplissage autour de la première heure du film, durant laquelle le cinéaste peine à créer une tension. Le fait que l'on sache dès le départ que les personnages se détestent et qu'on ne doute jamais du fait qu'ils feront de toute manière le casse ensemble crée une distance et les interminables conflits se suivent et se ressemblent, parfois de manière gratuite (ainsi, la femme du GI blanc qui séduit Tetsuro Tamba, ce qui ne sert à rien puisqu'elle sera tuée avant de pouvoir faire quoi que ce soit).
En revanche, la dernière demi-heure dans laquelle Fukasaku abandonne toute psychologie pour se lancer dans un carnage aussi jouissif que démesuré nous empêche de quitter le film sur une impression totalement négative, car faute de donner vie à ses personnages, le cinéaste aura su compenser par leurs morts explosives (parfois littéralement) où l'outrance devient pour le coup réellement euphorisante.

Du Rififi chez les truands est un Fukasaku dans lequel celui-ci ne s'était encore trouvé ni formellement ni thématiquement, mais qui demeure un divertissement convenable pour peu que l'on parvienne à oublier ses grands film à venir. A noter qu'il existe également sous le titre Gangsters en plein jour.

mardi 12 août 2014

Les Inconnus dans la ville (Richard Fleischer, 1955)



Dans une petite ville américaine, trois gangsters débarquent : Chapman (J. Carrol Naish), Dill (Lee Marvin) et Harper(Stephen McNally). Leur objectif est de cambrioler la banque d'Harry Reeves, voyeur amoureux de l'infirmière Linda, elle-même attirée par Fairchild (Richard Egan), un mari cocu. Martin (Victor Mature), pleutre aux yeux de son fils, trouve dans le cambriolage une occasion de redorer son image.

Cette tentative originale de Fleischer de mêler film de casse et mélodrame sentimental peut se targuer de disposer d'un cinéaste en pleine possession de ses moyens. Sur le plan de la mise en scène, Les Inconnus dans la ville est une oeuvre tout aussi inspirée que les grandioses Barabbas ou Les Vikings. La confrontation entre le trio de gangsters d'une part et Martin et les amish d'autre part est exemplaire de tension, de perfection du cadre, de dynamisme. De même, l'attaque de la banque révèle une concision exemplaire et une sécheresse renforcée par sa brièveté. Si l'on excepte Victor Mature qui n'a que rarement donné des interprétations pleinement satisfaisantes (Le Carrefour de la mort et La Poursuite infernale permettant de confirmer la règle), le casting est également de premier ordre, notamment Stephen McNally et Lee Marvin en gangsters et Ernest Borgnine en religieux pacifique. Enfin, il y a une réelle virtuosité dans la manière font Fleischer passe d'un point de vue à l'autre lors des scènes durant lesquelles plusieurs personnages se retrouvent au même endroit, dans des buts très différents. Quelques agréables moments de creux (la discussion entre McNally et Marvin, la découverte des amish) permettent une respiration bienvenue dans un récit aussi méthodique qu'attendu.



Qu'est ce qui nous empêche donc de voir, comme un certain nombre de critiques, les Inconnus dans la ville comme un des grands films de Fleischer ? Beaucoup de choses, qui pourraient se résumer en une : le scénario. En terme d'efficacité narrative, de capacité à mettre en place des enjeux autour d'une dizaine de personnages et de résoudre simultanément toutes les situations conflictuelles, il est irréprochable. En terme de modernité des situations et de description des personnages en question, c'est autre chose. Hormis les gangsters (essentiellement caractérisés par leurs méthodes et leur tempérament plus que par leur vie personnelle), on est donc face à un couple dont la femme infidèle pousse le mari au désespoir, un bon père de famille dont le fils a honte du fait qu'il n'ait pas combattu lors de la seconde guerre mondiale, un banquier voyeur et une bibliothécaire voleuse. Une fois le film achevé, tous leurs problèmes auront disparu, chacun des " pêcheurs " mourant ou étant blessé avant de s'excuser du mal qu'il a commis. Ce caractère excessivement didactique et moralisateur tire le film vers le bas d'autant plus qu'il semble n'autoriser aucune bifurcation de la " bonne " ligne de conduite (les amish pacifistes seront contraints de se battre). Les derniers plans sur Victor Mature, enfin aimé par son fils après avoir éliminé les gangsters, sont quelque peu problématiques et même si d'aucuns y voient au contraire une fin en demi-teinte (la violence comme seule manière d'être admiré au sein de la société américaine), le reste du film laisse plutôt penser à une victoire triomphante du fier héros.



On reste tiraillé concernant Les Inconnus dans la ville, aussi admiratif devant la mise en scène qu'énervé par le schématisme de l'histoire. Il est un exemple de la faculté d'un (très) bon cinéaste à compenser un script moyen (il suffit de penser à ce qu'aurait donné le même scénario dans les mains de Michael Winner, par exemple) et la beauté des mouvements de caméra, l'efficacité des moments d'action comme l'excellent niveau d'ensemble de l'interprétation pèsent au final plus que l'aspect ultra-moralisateur. Pour ce qui est de présenter un hold-up du point de vue d'une ville entière, on reste très curieux de voir ce que peut donner le Mise à sac d'Alain Cavalier, malheureusement pratiquement introuvable.

vendredi 8 août 2014

The White Storm (Benny Chan, 2013)



Trois policiers, amis depuis l'enfance, travaillent ensemble à démanteler un trafic de narcotiques. Ma (Lau Ching-wan) dirige l'opération, secondé par Cheung (Nick Cheung). So (Louis Koo), infiltré, est parvenu à obtenir un rendez-vous avec Hak Tsai, mais il apparaît que celui-ci n'est pas le véritable chef du réseau, en réalité commandité depuis la Thaïlande. 

A priori, The White Storm met facilement l'eau à la bouche : un metteur en scène qui, sans être un grand cinéaste, a su comme un Dante Lam ou un Law Chi-leung donner quelques films intéressants au sein d'une carrière en dents de scie (côté polar, on reviendra un jour sur Man Wanted) ; un scénario qui rappelle fortement le John Woo le plus émouvant, Une Balle dans la tête ; et enfin un trio d'acteurs parmi les plus intéressants du moment. De ce dernier point de vue (et uniquement de celui-ci), The White Storm est une réussite : Lau Ching-wan - Sean Lau au générique - montre à nouveau sa polyvalence et l'étendue de son registre de jeu. Louis Koo, peu de temps après sa très bonne prestation dans le Drug War de Johnnie To, joue les infiltrés avec conviction tandis que Nick Cheung est parvenu film après film à nous faire oublier sa mono-expressivité d'antan (Breaking News) et à devenir un premier rôle des plus solides. A eux trois, ils forment un tandem qui demeure malheureusement le seul intérêt d'un film handicapé par un scénario d'une rare maladresse.



La première partie du film, dans laquelle Louis Koo est infiltré dans un réseau de trafiquants de drogue, ouvre des pistes intéressantes : l'amitié entre Koo et son contact Hak Tsai, la corruption policière, la rivalité entre les polices chinoises et thaïlandaises. Mais tout cela est abandonné à mi-film à l'aide d'un traitement par-dessus la jambe : ainsi la taupe au sein de la police thaïlandaise renseigne tranquillement les triades au téléphone, à deux mètres de ses collègues policiers. Une mort absurde surgit alors, pour être ensuite suivie par dix bonnes minutes de séquences de remplissage larmoyantes, avant qu'un twist aussi attendu qu'idiot ne vienne relancer la mécanique, tout ceci précédant un second twist qui viendra remettre les pendules à l'heure ! L'absence totale de rigueur d'écriture (chapeau au méchant pour avoir fait d'un homme qu'il a tenté d'assassiner son bras droit, en voilà une riche idée), le caractère excessivement stéréotypé des seconds rôles et un pathos démesuré achèvent de plomber les bonnes intentions de The White Storm. Il faudrait y ajouter les reprises ratées d'éléments wooiens (la " rencontre " après une poursuite en voiture, les braquages à trois ou chacun menace les deux autres) qui ne fonctionnent jamais du fait qu'on peine à percevoir la profondeur de l'amitié entre le trio. Là ou en quelques minutes Woo parvenait sans difficulté à peindre une osmose au sein de ses personnafes, Benny Chan ne cesse de faire répéter maladroitement à ceux-ci à quel point ils sont attachés les uns aux autres sans jamais le faire ressentir au spectateur. A la spontanéité débridée d'un cinéaste excessif se sont substitués des rapports calculés qui échouent à convaincre.



Enfin, dernière déception en date, la mise en scène de Benny Chan n'est même pas du niveau d'un artisanat correct. Si les scènes de fusillade ou de destruction sont bien là (notamment la fameuse hécatombe à mi-film durant laquelle des hélicoptères mitraillent tout ce qui bouge), le tout manque de la précision d'un Woo ou de l'élégance d'un Johnnie To. Mais même hors-action, Chan cède à un pompierisme des plus irritants (les " cris muets " de Louis Koo, la musique ratée mais omniprésente, les plans surlignant inutilement le fait que les héros soient meurtris par la vie) qui de plus allonge inutilement la durée d'un long-métrage qui n'aurait probablement duré qu'une heure trente dans les années 90, pour environ 135 minutes ici. Sans être des chefs d'oeuvre, des sous-John Woo comme Return Engagement ou Requital avaient pour eux l'efficacité et la concision qui manque terriblement ici. De l'ambition, c'est certain, mais rien de concluant cinématographiquement parlant.

dimanche 3 août 2014

Hercule contre les mercenaires (Umberto Lenzi, 1964)



Un guerrier celte, Hercule (Richard Harrison) est capturé lors d'un affrontement contre les troupes de l'empereur romain Caligula (Charles Borromel), sadique et cruel. Hercule devient gladiateur malgré lui tandis que le despotisme de Caligula conduit Messaline (Lisa Gastoni) à comploter contre lui. Toutefois, les conjurés ne tardent pas à s’entre-déchirer...

Parmi la batterie de films consacrés aux héros mythologiques, un petit nombre vient faire d'Hercule (ou Samson, le nom du héros n'ayant encore une fois aucune importance) un gladiateur plutôt qu'un fils de Dieu ou un roi puissant. La trame générale pourrait presque avoir inspiré Conan le barbare tellement la première demi-heure y fait penser (extermination des celtes, capture d'Hercule, jeux du cirque dans lesquels il divertir l'empereur en affrontant de nombreux ennemis) avec au lieu du lyrisme de Milius la platitude coutumière d'Umberto Lenzi, cinéaste dont la petite réputation chez les amateurs de cinéma bis demeure pour nous un mystère. Toutefois, ce petit péplum se regarde finalement avec plus d'indulgence que les futurs polars sécuritaires dans lequel Lenzi fera tourner l'insipide Maurizio Merli ; l'action, tout en accusant d'évidentes restrictions budgétaires, est suffisamment présente tandis que la photo demeure encore digne de ce nom. On aurait presque pu y voir un film passable si le premier rôle n'était pas tenu par Richard Harrison, l'un des rares culturistes qui parviendra à passer du péplum au western (pour mieux saborder les quelques films intéressants dont il fut la vedette, notamment Avec Django la mort est là d'Antonio Margheriti plombé par son manque de charisme). Si l'inexpressivité d'Harrison est moins problématique au sein d'un genre qui n'a que rarement brillé par son interprétation, les quelques scènes dramatiques deviennent difficiles à supporter lorsque l'acteur nous gratifie de ses plus beaux regards dans le vide. Visiblement peu émulés par cette concurrence, Lisa Gastoni en Messaline, Charles Borromel en Caligula et surtout Marilù Tolo en Ena rivalisent de fadeur pour ne pas trop éclipser le personnage-titre.



Hercule contre les mercenaires ne s'inscrit pas, à l'inverse de la quasi-totalité des films de la série Hercule, dans une trame mythologique mais historique. On y croise Messaline, Caligula et Claude qui entraînent notre héros dans un confit politique, mais le contexte a priori intéressant est plutôt maltraité, moins du point de vue de l'histoire (on a connu des péplums biens plus fantaisistes sur ce point) que de la narration. Faire disparaître Caligula a mi-film évacue la seule figure envers laquelle la lutte d'Hercule semble un tant soit peu personnelle ; on en vient rapidement à se demander pourquoi Messaline ne se contente pas de faire relâcher Hercule et sa maîtresse dès l'assassinat de l'empereur fou, et l'absence de conscience politique d'Hercule rend son implication assez floue : il est ballotté d’événements en complots dont la portée ne parait jamais lui venir à l'esprit. Dans la mesure ou ses exploits ne sont guère impressionnants, le Hercule campé par Harrison n'attire ni l'intérêt ni la sympathie et les scènes avec la perverse Messaline, pourtant vues et revues (les reines égocentriques sont très présentes dans la saga) restent plus intéressantes que les combats, en dépit du fait qu'Harrison soit plus souple et plus agréable à regarder que la plupart de ses condisciples.



Ferroni ou Caiano avaient apporté avec eux un imaginaire fantasmagorique qui fait totalement défaut à Lenzi, cinéaste opportuniste qui comme souvent se contente de décalquer les formules déjà connues. Hercule et les mercenaires n'est pas navrant, l'absence de monstres caoutchouteux ou d'effets spéciaux dépassés fait qu'il a convenablement passé l'épreuve du vieillissement, mais c'est un film qui jamais ne semble vouloir prendre le moindre risque et dont l'apport au genre se révèle par conséquent à peu près nul. Alors que bien des films de fin de série plongent avec bonheur dans le n'importe quoi délirant (on détaillera peut-être un jour les absurdités sorties par la Hammer ou la Shaw Brothers sur le déclin), l'académisme de Lenzi ne peut que laisser le spectateur sur sa faim.