vendredi 22 août 2014

Lady Yakuza 3 : Le jeu des fleurs (Tai Kato, 1969)



Oryu (Junko Fuji) reçoit l'hospitalité du clan Nishinomaru mais découvre qu'une tricheuse a usurpé son identité. Elle défend également ses hôtes en conflit avec le clan Kimbara, aidée par le retour de son vieil ami Kumatora (Tomisaburo Wakayama) et par un vagabond sympathique, Hanaoka (Ken Takakura). Celui-ci étant évidemment lié au clan Kimbara...

Pour l'instant, il s'agit du meilleur Lady Yakuza qui surpasse même d'une courte tête les meilleurs Brutal tales of chivalry. Le responsable de cet état de fait n'est pas le scénario : si Noribumi Suzuki, également réalisateur du précédent opus, est un scénariste doué et doté d'une belle capacité à multiplier les personnages sans faire perdre de vue l'intrigue principale, son travail ici ne fait qu'égaler celui qu'il avait accompli pour les deux premiers volets. La direction d'acteurs n'est pas non plus en cause : si Junko Fuki et Ken Takakura demeurent impeccables, les ninkyos sont quasiment toujours convaincants concernant cet aspect. Il faut toutefois noter que le personnage de Kumatora est enfin supportable et que l'humour pénible qu'il apportait dans les films de Yamashita et Suzuki a été considérablement réduit ; de même, le scénario lui permet d'être un peu plus actif et évite mieux le côté figuratif de ses apparitions passées. On note également l'étonnant retour de Fujimatsu, l'homme de Kumatora qui comme lors du premier épisode se battra aux côtés d'Oryu, il est toutefois dommage qu'il fasse pratiquement de la figuration et que le scénariste hésite probablement encore à lui donner plus d'importance.



Non, le grand progrès réside dans le choix du metteur en scène Tai Kato qui se révèle le plus esthète, le plus dynamique et le plus efficace des réalisateurs qui se sont succédé jusqu'ici. Ses compositions de plans sont souvent remarquablement agencées et utilisent avec virtuosité le décor pour séparer métaphoriquement des personnages incapables de se rejoindre, rappelant de façon plus imparfaite la science du cadre d'un Kobayashi ou d'un Kudo. D'autant plus que Kato est tout aussi rigoureux lorsqu'il s'agit de filmer Oryu et ses amis pénétrant chez les méchants en caméra portée ; Junko Fuji a d'ailleurs rarement paru aussi crédible une arme à la main, la mise en scène mettant intelligemment son agilité en valeur. Il est quelque peu dommage que le combat de fin soit l'un des plus courts vus dans un ninkyo tant on aurait aimé en voir plus ; qu'il s'agisse de la manière qu'a Kato de magnifier son héroïne en ne montrant pas les coups portés ou lors des scènes plus calmes de filmer depuis le sol, le cinéaste prouve ici qu'un script de série B peut aboutir a quelque chose de mémorable dans les mains d'un cinéaste talentueux, qui a d'autant plus de mérite que sa virtuosité est bien plus discrète que les audaces délirantes d'un Suzuki ou la frénésie d'un Fukasaku.


Certes, les clichés et les bons sentiments sont toujours là. La joueuse sauvée par Oryu - qui fait quelque peu doublon avec celle de Lady Yakuza 2 - viendra se sacrifier pour expier ses fautes, le yakuza ayant abandonné sa fille en fera de même et de nouveau les méchants se distinguent par leur accoutrement ridiculement occidentalisé, encore une fois opposé au kimono des traditionalistes vertueux et aimants. Oryu n'a pas l’outrance de Baby Cart, la force de Sasori ou la variété d'intrigues de Zatoichi ; elle est une héroïne intéressante mais moralisatrice, elle a d'ailleurs besoin d'être systématiquement épaulée par un personnage masculin pour accomplir son devoir. L'idéal pour les prochains épisodes aurait consisté dans le fait de conserver Tai Kato à la mise en scène et de remplacer Noribumi Suzuki au scénario, moins à cause d'un manque de talent que de répétitions un peu gênantes qui finissent par apparaître dans son travail. Mais l'histoire en voulut autrement et au contraire, Lady Yakuza 4 verrait le scénariste rester en place tandis que la mise en scène serait pour le coup confiée au médiocre Shigehiro Ozawa avant que les producteurs ne rappellent Tai Kato pour les épisodes 6 et 7.

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