lundi 23 mars 2015

The Triple Cross (Kinji Fukasaku, 1992)


Trois vieux gangsters, Shiba (Sonny Chiba), Kanzaki (Kenichi Hagiwara) et Imura (Renji Ishibashi) ont l'habitude d'effectuer des braquages. Ils sont contactés par Kadomachi (Kazuya Kimura), un jeune rockeur endetté qui leur propose d'attaquer un convoi. L'opération se passe bien mais le butin se révèle plus faible que prévu et Kadomachi abat Shiba et Imura avant de s'enfuir avec l'argent.

On peut voir The Triple Cross de deux manières : en le comparant aux chefs d’œuvre réalisés par Fukasaku dans les années 70 et le juger mineur face à cette concurrence, ou au contraire en rappelant les commandes impersonnelles alignées par le cinéaste durant les deux décennies suivantes au milieu desquelles se serait donc glissé ce petit polar punk, surexcité qui faute de tutoyer les cimes se révèle redoutablement efficace dans sa rock and roll attitude. The Triple Cross est handicapé par une esthétique de téléfilm - il faut rappeler qu'il a été réalisé pour la télévision - qui n'empêche toutefois pas le cinéaste de retrouver son univers furieux (caméras portées, cadrages de travers) d'autant plus adapté que ses personnages de jeunes sont ici totalement enragés. C'est bien cette vitalité qui force ici l'admiration et on peut pardonner de nombreux excès cabotins, des carambolages plus proches des Blues brothers que de Combat sans code d'honneur tant on est heureux de retrouver un metteur en scène aussi énergique que Fukasaku livrer ses adieux au monde du polar avec autant de vigueur.


Une originalité de The Triple Cross est que sur un thème très utilisé au sein du polar (la lutte entre les anciens et la nouvelle génération) il ne cède pas à l'habituelle rengaine du code d'honneur bafoué et du manque d'éducation des jeunes. Si Fukasaku semble plus proche du trio de cinquantenaires, son binôme composé d'un chanteur de heavy metal et d'une hystérique en manque d'attention réussit à être attachant malgré la caractérisation totalement excessive des personnages. Kanzaki lui-même admet à Kadomachi qu'il lui trouve du cran et l'un des plans les plus formidables du film confronte un jeune rocker agonisant à un policier de son âge, le premier déclamant au second " t'as pas honte de porter cet uniforme, connard ? ". Le conflit de génération n'exclut pas le respect mutuel et la conclusion jouissive montre un héros blessé, ruiné, fatigué et défiguré qui reprend soudainement des forces à la vue d'une banque dont on devine qu'elle sera rapidement attaquée. Les marginaux jeunes ou vieux ne sont jamais à bout de souffle ; à 62 ans Fukasaku parvient encore à faire preuve d'une insolence jeunesse dans son état d'esprit (rappelons qu'il réalisera son magnifique Battle Royale à près de 70 ans !) et comparativement à l'académisme quelque peu suranné de La Maison des geishas, The Triple Cross a pour lui un rythme tenu de bout en bout, une énergie à l'opposé des polars contemplatifs réalisés par Takeshi Kitano à l'époque.


Pour revenir un instant sur la manière dont les personnages sont décrits, The Triple Cross réussit à trouver un juste milieu dans son humour qui ne cède jamais à la parodie facile en dépit de l'énormité de certaines situations (la nymphomane avec sa mitraillette, la coupe de cheveux du rockeur, le mutisme exagéré de Kenichi Hagiwara, les yakuzas totalement incompétents et les policiers inefficaces). Le bon casting n'est sans doute pas pour rien dans cet aspect avec notamment cet excellent trio Sonny Chiba-Renji Ishibashi-Kenichi Hagiwara mais aussi Yoshio Harada en yakuza héroïnomane capable de tuer quelqu'un a trente mètres sans même regarder sa cible. Et faute de retrouver ce parfait mélange de force politique et de viscéralité d'un Cimetière de la morale, The Triple Cross correspond à cette expression souvent galvaudée de feel good movie parfaitement divertissant. On mettra un minuscule bémol sur l'utilisation d'un hard-rock nippon inaudible qui si il est justifié lors des scènes de concert se révèle assez inapproprié lors de la très bonne poursuive en voiture.

1 commentaire:

  1. Minute chipotage orthographique: "qu'il lui trouve du clan", "mélange de force politique et de viscérale".

    Je vais pas redire ici tout le bien que je pense de Triple Cross, surpassé uniquement par Commando dans la catégorie divertissement jouissif over-the-top premier degré mais pas je-m'en-foutiste.

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